Joseph au Cambodge

Les merveilleuses aventures de votre serviteur au pays des Khmers

02 August 2006

Les aventures de Fréd et Joseph à Cu Chi

[C'est Fréd qui parle.]

C'était hier, il faisait beau, le sable chaud avait
presque notre odeur, et guillerets que nous étions,
Joseph, un ami chevelu débarquant de Phnom Penh, car
il était ici en vacances, tout à la joie de comparer
la conduite suicidaire des motos entre le Cambodge et
le Vietnam (il s'avère que les Vietnamiens meurent
plus sur la gauche de la route, à l'inverse des
Khmers... question de fidélité politique sûrement), et
moi, (guilleret que j'étais) de ma nouvelle maison, de
mon nouveau statut de Maître ès Tenancier de maison (à
noter que Mademoiselle STÉPHANIE est ma nouvelle
colocataire, designeuse et néanmoins fort sympathique,
et fort mécontente de son passage sous silence du
dernier mail, alors Stéphanie, un bien le bonjour
devant tous mes amis iss’ e-présents e-réunis), bref,
j'ai perdu mon début de phrase... ON ETAIT BIEN quoi.
On décide donc, après moultes hésitations (liées aux
caprices de ma moto qui finalement se révèlera une
parfaite cavalière) d'aller aux tunnels de Cu Chi, une
curiosité architecturale des abords de Saigon,
expression du génie souterrain des Viets, qui est un
peu, aux yeux de 80 millions d'enfants d'Uncle Ho ce
que le Mc Donalds est aux yeux des adipeux neveux
d'Uncle Ben's : une fierté nationale. Cu Chi, c'est un
peu le Zidane Viet, un endroit où il fait bon se
rappeler être Viet et avoir bouté les ricains (pour
nous c'est les Ritals, chacun son stéréotype), même
s'il a fallu pour ça balancer qq coups de boule.
Et question coups de boule, nos amis les Viets en
connaissent un rayon. Le guide est là pour nous le
rappeler, placide, et l’air de vous dire que
finalement, mieux vaut être touriste beauf bardé de 10
kilos de chapeaux coniques plutôt que GI dans la
jungle cochinchinoise avec son parachute qui tombe là
où il faut pas. Le voilà qui nous détaille par le menu
les pièges dans lesquels les soldats Ryan tombaient
tous consciencieusement les uns après les autres : qui
le piège qui détruit les jambes, qui celui qui frappe
à la tête voire aux parties élémentaires de votre
anatomie sans qui le petit Justin ne pourrait voir le
jour… Fear factor n’a rien inventé, les Viets sont les
précurseurs de la télé-trash-réalité !
Ensuite on passe aux tunnels proprement dit, une sorte
de souricière dans laquelle un Michael Moore même armé
de sa meilleure volonté ne passerait pas… En fait
d’arme, c’est bien la volonté qu’ils traquaient les «
vici » (les Viet Congs), et il fallait en avoir ! Il
serait plus facile pour un chameau de passer dans le
chas d’une épingle que pour un Amerloque (même sans
dévotion particulière pour la malbouffe) de rentrer
dans ces corridors !
On fait quelques mètres courbés comme Quasimodo à
ramper dans les couloirs, et il suffit d’un espace de
noir avec ton voisin de devant pour que la peur
ignoble de se perdre dans une grotte te saisisse… ahhh
que c’est fun la guerre avec un guide ! Au moins on
est sûr d’arborer des traces de terre partout sur ses
vêtements sans autre risque. Joseph fait le mariole et
les 100 mètres du souterrain, je m’arrête au bout de
30 mètres… pour m’entendre dire que les tunnels ont
été re-designés à la « tourist size » ! Ils sont fous
ces Viets, dirait Obelix (de dehors)…
Ensuite nous rentrons à Saigon, j’arbore un bronzage
très Floyd Landis avec mes avants-bras très rouges
(oui, j’avoue, j’avais dopé mon vélo… j’y ai mis un
moteur). Ici la guerre n’est plus qu’économique et
klaxonnique, les séquelles sont moins visibles…
Et puis ce soir, dimanche, en direct d’une mousson
bien ténue pour une fois, après un ping pong très
physique, me voilà qui rentre seul dans ma demeure…
Stéphanie est partie crapahuter, je trouve la route qui
mène à ma maison très Apocalypse Now, noyée sous les
flots, les fantômes de capes de pluie naviguant au gré
des bouchons. Dans ce monde où le dehors est si
souvent le quotidien, quand la pluie se fait si
prégnante, quand les trombes d’eau vous transforment
en Pho et que l’atmosphère glisse doucement dans un
calme relatif (les klaxons semblent happés par la
pluie), on s’aperçoit qu’il reste toujours un
extérieur et un intérieur, une sorte d’intimité chaude
et une figure de l’adversité, ce dehors menaçant,
envahissant et pourtant si plein de sensations. J’en
veux pour preuve la moto qui me rentre dedans sans
ménagement à l’entrée de ma ruelle ; cachée derrière
un énième 4x4, elle a bondi vers moi et s’est arrêtée
sur ma main (ma tong avait en plus rendu l’âme sur un
fabuleux top-spin de coup droit au ping pong, et je
roulais donc avec la plus grande précaution, craignant
le dérapage incontrôlé de mon pied fiché sur le
frein)… Je remballe ma main et les quelques
millilitres de sang (pas de quoi s’effrayer hein, la
famille !) et arrive chez moi, allume la lumière
désormais mailement mythique de l’allée, et rentre, le
cœur un peu envahi. J’aurais voulu prendre la place de
Joseph dans son bus pour Phnom Penh, et couler le
reste de la soirée ailleurs qu’ici...
Oh non, je ne vous fais pas le coup du coude’blues
expat’ qui survient on ne sait quand, au détour d’une
pensée, d’une envie subite (ça peut être une
projection dans un MK2 ou un tour chez Gibert, un
apéro ou traverser des villes de l’arrière-pays en
voiture en s’arrêtant manger un bon repas) mais… et
puis, quelques minutes s’en faut, et mes incollables
Tic et Tac arrivent pour un tarot once again, Julie
m’appelle ouiiii et des rayons re-surgissent, pour
quelques heures encore, avant les nouveaux
questionnements de demain, les nouvelles prises de
conscience qui donneront d’autres récits !
Voilà, je vous laisse respirer, portez vous bien tous,
sachez qu’en cochant votre adresse pour le mailing, je
pense tous à vous d’une manière singulière, pour telle
ou telle raison, et ça, c’est bon (comme dirait de
Saigon mon ex-coloc Philippe).
Des bises de Viet Cong, donc.
Fréd

[Merci Fréd, pour ce récit haut en couleur qui méritait bien de ne pas rester cantonnais, pardon cantonné, à l'Asie du Sud-Est. Contre le coup de blues, le coup de blog ?]

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